Défi de l’Evangile – Défis de la société
Conférences du Père Antoine Kerhuel et de Monsieur Johann Verstraeten, lors de la session de Lille (28 et 29 avril 2001) où 350 jeunes chrétiens de 20 à 35 ans se sont rassemblés pour s’initier à la pensée sociale de l’Eglise.
I – L’enracinement historique et ecclésial de l’enseignement social de l’Eglise.
Extrait de la conférence du Père Antoine Kerhuel, sj.
On trouve une présentation condensée de l’enseignement social de l’Eglise dans un document qui est une instruction de la Congrégation pour la doctrine de la foi, intitulé « La liberté chrétienne et la libération » (22 mars 1986).
♦◊♦ C’est un texte assez pratique, qui dit que dans l’enseignement social de l’Eglise, il y a trois principes fondamentaux de réflexion.
- II y a quelque chose qui est de l’ordre du fondement. Ce fondement est la pleine reconnaissance de la dignité de chaque être humain qui est créé à l’image de Dieu. Et là, ce thème du fondement, si on a bien cela dans la tête, c’est quelque chose qui synthétise avec une grande précision, ce qui est au cœur de cet enseignement social de l’Eglise. En même temps, une fois que l’on dit cela, on va se dire : mais comment va se vivre concrètement là où on est.
- II y a deux principes qui sont à ce moment-là évoqués. Le premier principe est le principe de solidarité, qui dit que chacun doit contribuer avec ses semblables au bien commun de la société à tous ses niveaux. Il y a la quelque chose qui est de l’ordre du refus de l’individualisme social et politique. C’est un point de repère très fort de cet enseignement social. Chacun doit contribuer au bien commun de la société.
- Troisième principe : le principe de subsidiarité dont on parle beaucoup, qui est de dire que ni l’Etat, ni aucune société ne doit jamais se substituer à l’initiative et à la responsabilité des personnes et des communautés intermédiaires, au niveau où elles peuvent agir et elles ne peuvent non plus détruire l’espace nécessaire à leur liberté. C’est un refus de toutes
les formes de collectivismes.
Un principe fondamental : dignité de chaque homme. Ensuite solidarité et subsidiarité.
♦◊♦ Le document poursuit en disant que dans l’enseignement social de l’Eglise, on va trouver des critères de jugement pour lire les situations complexes dans lesquelles on se trouve. Critères de jugement que vont être la primauté des personnes sur les structures, l’attention à la personne humaine et enfin le respect de la dignité et de la liberté de l’homme.
♦◊♦ Troisième point par lequel le document va décrire l’enseignement social de l’Eglise, c’est ce qui est appelé Directives d’action. Sous l’angle de directives d’action, il y a ces points de repère qui sont proposés :
~ Pas de véritable libération, si ne sont pas respectés dès le début les droits de la liberté de chacun.
~ Le refus du recours systématique à la violence, pour faire changer des situations d’injustice. Mais il y a aussi le refus de cette autre violence qui est celle des possédants sur les pauvres, celle de l’arbitraire policier, condamnation de la passivité des pouvoirs publics là où les droits individuels et sociaux constitutionnellement garantis sont violés.
~ Encouragements adressés à toutes les associations (comme les syndicats) qui promeuvent la justice sociale par la voie du dialogue et de la concertation.
~ Valorisation de la « résistance passive ».
Un document comme cela invite à sentir quels sont les points forts, les points d’arête de cet enseignement social de l’Eglise tel qu’il est proposé.
Conclusion
Je terminerai en disant finalement que, dans cet enseignement social de l’Eglise, il y a un enjeu qui est celui de vivre une foi incarnée. L’enseignement social invite à suivre le Christ de façon très concrète dans le monde d’aujourd’hui.
Cela veut dire que, dans son expression, cet enseignement social bouge dans le rapport avec les pratiques Cela veut dire aussi qu’il est appelé à bouger. Si nous lisons aujourd’hui des textes qui ont été écrits dans les années 60, bien sûr que nous pouvons recueillir des choses importantes pour notre action aujourd’hui. Ce sont des textes qui, par exemple, ont beaucoup insisté sur le développement. On ne parle pas du développement aujourd’hui comme on en parlait dans les années 60, c’est clair, du fait de tout ce qui s’est passé depuis. Un enseignement social qui bouge et qui est appelé à bouger. Sans doute qu’il y a des domaines importants aujourd’hui sur lesquels l’enseignement social de l’Eglise va sans doute proposer des éléments de réflexion pour nous aider à aller plus loin. Par exemple, sur la place de l’économie dans la réflexion sur la bioéthique, ou bien sur la place de la finance, ou bien sur les questions écologiques…
Enfin, cet enseignement social de l’Eglise se construit dans une interaction avec des situations concrètes où vivent les chrétiens : en quoi l’accueil de l’Evangile ici et maintenant va- t-il se faire? En quoi est-ce que nous sommes invités à construire et quels moyens allons-nous prendre pour vivre dans une société où la dignité de chacun soit respectée et honorée ?
Un enjeu : vivre une foi incarnée, voilà ce que me paraît être l’enseignement social de l’Eglise.
Et vous me permettrez de terminer par une simple citation de quelqu’un qui ne se situe pas dans le registre de l’enseignement social de l’Eglise. C’est un frère jésuite qui est Michel de Certeau et qui a dit dans un texte. « L’audace consiste à vouloir aller jusqu’au bout des tensions et des ambitions propres à un temps, à prendre au sérieux un réseau d’échanges pour y attendre et y reconnaître l’avènement de Dieu. »
Et il me semble personnellement que cette phrase me nourrit dans la façon dont je peux aussi accueillir cet enseignement social de l’Eglise, comme invitation à repérer les modalités d’une action, à ma place comme jésuite aujourd’hui en France, sur cet enjeu fondamental d’une foi qui est bien présente à la société dans laquelle je me trouve.
Voilà quelques points de repère sur notre façon de comprendre enracinement historique et ecclésial de l’enseignement social de l’Eglise.
II – L’enseignement social de l’Eglise : parole de l’Eglise vivante, incarnée et capable de structurer un engagement dans la cité.
Conférence de Monsieur Johann Verstraeten. Lire