Documentation Eglises

Le propos des Eglises

 C’est la Fédération protestante de France qui a, semble-t-il, réagi la première à l’apparition d’un chômage massif et de longue durée, sans doute conduite en cela par les initiatives protestantes d’outre Rhin. Mais il est vrai que par la suite l’Eglise catholique en France a réagi fortement et durablement. En premier lieu, les principaux textes du Magistère (du pape et des évêques réunis en commission) énumérés dans l’ordre chronologique :

Pour de nouveaux modes de vie : conseil permanent de l’épiscopat français septembre 1982 (précédé par l’encyclique Laborem exercens de Jean Paul II en 1981). C’est le premier et grand et court texte de l’épiscopat qui décrit une situation devenue dramatique, justifie son intervention et propose de changer les habitudes et rechercher de nouveaux modes de vie. Il s’agit, non pas d’être contre le travail des femmes (comme le titrait quelque journaliste! c’est n’importe quoi) mais de redonner de la souplesse, des marges de manœuvre dans un système économique et politique qui pense ne pas en avoir; appel à l’imagination et à l’action, tant pour les individus que pour les institutions). Il fut le texte de référence du CCSC à sa création en 1984.  Lire le texte : Un appel pressant des évêques français

Attention pauvretés : Commission sociale de l’épiscopat en septembre 1984

La solidarité, une urgence : les Evêques de France réunis à Lourdes, novembre 1987

Sollicitudo rei socialis : encyclique de Jean Paul II, 30 décembre 1987. Le pape parle de « structures de péché », de l’urgente nécessité d’un changement des attitudes spirituelles (tout ce qui touche à la dignité de l’homme et des peuples ne peut se ramener à un problème technique ; il n’est pas question de proposer une «troisième voie »), de la solidarité comme la détermination ferme et persévérante de travailler pour le bien commun, de l’amour préférentiel pour les pauvres ; tous, hommes et femmes sans exception, ont à prendre sa part : « ni le désespoir, ni le pessimisme, ni la passivité ne peuvent se justifier. »

Face au défi du chômage, créer et partager. Commission sociale de l’épiscopat septembre 1988, texte qui insiste sur une création à poursuivre, sur l’entreprise -pour corriger le sentiment que l’Eglise n’a que le partage à proposer !

L’encyclique Centesimus annus -encyclique du centenaire de la doctrine sociale de l’Eglise; Jean Paul il, mai 1991. Texte qui vient après la chute du mur de Berlin mais qui voit le pape très critique sur le capitalisme et la société de consommation qu’il engendre. «La première et la plus importante des tâches s’accomplit dans le cœur de l’homme, et la manière dont l’homme se consacre à la construction de son avenir dépend de la conception qu’il a de lui-même et de son destin. C’est à ce niveau que se situe la contribution spécifique et décisive de l’Eglise à la véritable culture».

Face au travail, changer et partager : commission sociale de l’épiscopat septembre 1993. Il y a là l’avis d’experts et de divers organismes ou associations, suivi de la déclaration de la commission sociale de l’épiscopat «Au nom de la dignité humaine ». Texte qui invite à distinguer l’emploi et le travail, à ne pas se satisfaire de l’assistanat ni des emplois temporaires sans avenir. «L’identité sociale s’acquiert aussi en d’autre lieux que l’emploi: dans la famille, dans les relations humaines, dans la vie culturelle, associative et politique. » Refus du fatalisme devant « la prétention à l’hégémonie d’une certaine économie». il faut repenser le travail non seulement en termes d’emploi rémunéré mais en fonction de sa fécondité sociale, contrôler les flux d’argent, une meilleure répartition des revenus, enfin entendre ceux qui sont exclus du travail. Et le texte se termine ainsi: « La voix de ceux qui sont blessés est un cri d’espérance. Nous le faisons nôtre».

L’écart social n’est pas une fatalité : commission sociale des évêques de France novembre 1996. On changera les mentalités en suscitant des exemples de fécondité sociale, et chacun possède une fécondité pour participer à l’élaboration de la société où il vit. Critique de l’argent-roi. « Ensemble, si nous ne mettons pas l’homme en premier, avec la dimension de sa vie communautaire, notre société perdra une part importante de ses valeurs ».

Noublions pas les chômeurs : commission sociale des évêques de France, en février 1998, texte de circonstance qui vient après l’occupation de quelque trente ASSEDIC par des chômeurs fin décembre mi-janvier. Texte qui invite à voir derrière les statistiques des visages des êtres humains en souffrance, texte qui soutient quelques propositions, invitant au partage du travail, des responsabilités et du profit. N’oublions pas les chômeurs 

Les textes du Magistère ne sont pas des leçons de morale. ils ne se justifient que parce que les chrétiens combattent là où ils sont en faveur de lhomme et dune société plus juste, et il se trouve que de fait ils sont très nombreux attelés à ce travail, dans le mouvement associatif d’abord, mais aussi dans des organismes divers; il y a comme une circularité entre la réflexion et la parole, la préoccupation des évêques étant de situer, inscrire (c’est une ré-écriture) cette action réfléchie dans la vie et la tradition de toute l’Eglise.

La presse chrétienne n’a pas manqué d’offrir au cours de ces années diverses réflexions. Je retiens le n°161 de Christus « La crise du travail », et un numéro de Fêtes et Saisons : « Face au chômage, le travail en question » pour quelques articles courts et de synthèse. Parmi les mouvements d’action catholique, le MCC a longtemps investi sur le sujet. Enfin, des sessions et forums ont été organisés sur ces sujets : Forum des communautés chrétiennes, semaines sociales, CERAS. En septembre 2001, le CCSC a regroupé une trentaine de mouvements et services d’Eglise autour d’une longue réflexion, décidé de proposer cinq mesures plus urgentes et adressé à tous six « appels » (septembre 2001) : quatre brochures font état de ce travail. L’une d’entre elles, « Leurs combats », fait état d’une enquête auprès de chômeurs et de précaires (243 réponses), qui fait suite à un premier travail-enquête qui avait conduit à la publication d’un livre « Travailler autrement » (600 réponses dont 155 provenant de chômeurs) en septembre 1977.

De son côté, Antoine Kerhuel, Jésuite, a condensé pour 300 jeunes réunis à Lille en avril 2001 lenseignement social de lEglise ; il en donne une présentation condensée à partir d’un document, qui est lui-même une instruction de la Congrégation pour la doctrine de la foi intitulée « La liberté chrétienne et la libération » (22 mars 1986).

Le document pose d’abord quelque chose qui est de lordre du fondement. Ce fondement, ce socle « est la pleine reconnaissance de la dignité de chaque être humain qui est créé à l’image de Dieu. Et là, ce thème du fondement, si on a bien cela dans la tête, c’est quelque chose qui synthétise avec une grande précision ce qui est au cœur de cet enseignement social de l’Eglise. En même temps, une fois que l’on dit cela, on va se dire : mais comment cela va se vivre concrètement là où on est… Deux principes s’en suivent : le principe de solidarité, qui dit que chacun doit contribuer avec ses semblables au bien commun de la société à tous ses niveaux. Il y a là quelque chose qui est de l’ordre du refus de l’individualisme social et politique. C’est un point de repère très fort de cet enseignement social. Chacun doit contribuer au bien commun de la société. Le principe de subsidiarité dont on parle beaucoup, qui est de dire que ni l’Etat, ni aucune société ne doit jamais se substituer à l’initiative et à la responsabilité des personnes et des communautés intermédiaires, au niveau où elles peuvent agir et elles ne peuvent non plus détruire l’espace nécessaire à leur liberté. C’est un refus de toutes les formes de collectivismes. Un principe fondamental : dignité de chaque homme. Ensuite solidarité et subsidiarité.

Le document poursuit en disant que dans l’enseignement social de l’Eglise, on va trouver des critères  de jugement pour lire les situations complexes dans lesquelles on se trouve. Critères de jugement que vont être la primauté des personnes sur les structures, l’attention à la personne humaine et enfin le respect de la dignité et de la liberté de l’homme. Le CCSC a établi une grille de lecture des événements et des décisions qui va dans ce sens.

Suivent enfin quelques « Directives pour l’action » comme autant de points de repères :

~        Pas de véritable libération si ne sont pas respectés dès le début les droits de la liberté de chacun.

~        Le refus du recours systématique à la violence, pour faire changer des situations d’injustice. Mais il y a aussi le refus de cette autre violence qui est celle des possédants sur les pauvres, celles de l’arbitraire policier, dénonciation de la passivité des pouvoirs publics là où les droits individuels et sociaux constitutionnellement garantis sont violés.

~        Encouragements adressés à toutes les associations ou syndicats qui promeuvent la justice sociale par la voie du dialogue et de la concertation.

~        Valorisation de la « résistance» passive. »

Bien sûr au départ, il y a un premier point de repère : il s’agit de vivre l’Evangile aujourd’hui. Le second : non pas des principes intemporels mais plutôt une invitation à lire la réalité et à confronter aussi l’interprétation de la réalité avec d’autres. Invitation à lire. Enfin, troisième point de repère : non pas des propos qui énonceraient un programme d’action, un programme politique, économique et social, mais une circularité entre la parole et les actes. Paul VI écrivait déjà : « A ces communautés chrétiennes, il appartient de discerner, avec l’aide de l’Esprit Saint, en communion avec les évêques responsables et en dialogue avec les autres frères chrétiens et tous les hommes de bonne volonté, de discerner les options et les engagements qu’il convient de prendre pour opérer des transformations sociales, politiques et économiques. »  Octogesima adveniens 1971.

Alors on -ne peut s’étonner de la persistance du discours de l’Eglise sur l’accueil des immigrés. «Dans l’Eglise, nul n’est étranger et l’Eglise n’est étrangère à aucun homme ni au aucun lieu. En tant que sacrement d’unité, et donc signe et force de regroupement de tout le genre humain, l’Eglise est le lieu où les immigrés en situation illégale eux aussi sont reconnus et accueillis comme des frères. Les différents diocèses ont le devoir de se mobiliser pour que ces personnes, contraintes de vivre en dehors de la protection de la société civile, trouvent un sentiment de fraternité dans la communauté chrétienne » (Jean Paul II 1995). Que nous soyons ou non sur une onde porteuse !

Les textes du premier puis du second Testament sont multiples. Peut-être pouvons-nous retenir que ces derniers invitent à une réelle fraternité, et non pas seulement à un accueil poli ; il en est ainsi des textes législatifs mais aussi des récits. Les chrétiens ne sont pas des prestataires de « charité », ils veulent établir une relation fraternelle basée sur la fidélité (ils sont toujours là même quand c’est difficile pour eux), la gratuité et enfin l’inconditionnalité (quels qu’ils soient). Est-ce là leur particularité, comme certains le pensent ?

Gérard Marle 

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