Répondre à un défi anthropologique d’une ampleur inédite
Texte de l’intervention de Bernard Perret aux Semaines Sociales de France :
Quand nous avons discuté du principe de cette intervention avec Jérôme Vignon, l’encyclique Laudato si’ n’avait pas encore été publiée. Nous pensions, bien sûr, que ce serait un événement important, mais nous ne pouvions pas deviner qu’elle apporterait des éléments de réponse aussi forts et substantiels à la question qui nous réunit ce matin, celle de la place de l’espérance religieuse dans un monde qui doit faire face à des défis sans précédent, à commencer par celui du changement climatique. Conscient du risque que je prends en m’exprimant sur des sujets largement traités dans l’encyclique, je vais vous livrer mes propres réflexions, qui, heureusement, recouperont souvent celles du Pape.
Commençons par ce titre « les religions comme source d’espérance ». Au premier abord, il peut s’entendre dans le registre bien balisé du « supplément d’âme ». L’humanité serait confrontée à une situation si difficile et angoissante qu’elle devrait faire appel aux religions pour se donner à la fois des repères moraux, un idéal susceptible d’inspirer des comportements vertueux, et enfin des motifs de consolation pour nous aider à traverser une mauvaise passe. C’est à des choses de ce genre que l’on pense quand on voit la religion convoquée par tel ou tel leader d’opinion, à titre supplétif, comme on mobiliserait une source d’énergie cachée pour la mettre au service d’une idée préétablie du bien commun, par exemple le « développement durable ». Mais, bien-sûr, ce n’est pas comme cela que les choses se passent : le « sens » porté par une tradition religieuse ne peut être vécu que pour lui-même, il échappe à toute instrumentalisation.
Il n’en est pas moins vrai que les traditions religieuses – mais aussi les idéaux politiques humanistes – sont convoquées et mises à l’épreuve par la situation que connaît l’humanité. Les défis auxquels nous sommes confrontés nous placent en effet dans l’obligation de réinventer le sens de l’aventure humaine et de ressaisir dans une nouvelle perspective le sens des traditions religieuses. Il ne s’agit donc pas seulement de mobiliser des ressources de sens qui se trouveraient prêtes à l’emploi dans nos livres saints et nos traditions. Dans une large mesure, nous avons à faire du neuf à partir de ce dépôt. Cela vaut, je pense, pour toutes les religions, mais je me limiterais ici au point de vue du chrétien que j’essaie d’être. [suite…]